À peine arrivé comme aumônier général chez les Scouts et Guides de France, la question fusa :

– « Et vous, frère Benoît, que vous a apporté le scoutisme ?

– L’esprit d’équipe, l’envie d’agir, mais aussi le sens de Dieu !

– … Le sens de Dieu ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »

Ça commençait fort. Il me fallait justifier de cette présence de Dieu dans ma vie, expliquer comment le scoutisme avait été le lieu d’une épiphanie divine. J’ai donc évoqué les veillées au coin du feu ou les bénédictions de promesses, ces moments où Dieu se fait le compagnon des scouts. Il y avait eu aussi l’initiation à la prière dans les moments simples de la vie de camp – le bénédicité – ou les moments glorieux, l’action de grâce après la victoire dans un grand jeu ou l’animation des chants à la messe de Pâques dans une paroisse reculée du Limousin.

Il y avait la fraternité partagée, presque immédiate, la confiance donnée a priori comme le Christ fait confiance à ses apôtres. J’ai lu des signes visibles d’une réalité invisible, là présente, juste « derrière ». Mais il y avait plus. Saint John-Henry Newman parle de la « présence d’immensité » : celle que l’on devine devant la beauté du monde.

Pourquoi la ramure des arbres dans la gloire de l’été nous émeut-elle ? Pourquoi ce paysage écossais nous transporte-t-il, avec son air de monde en gésine où terre, tourbe et mer tourbillonnent à nos yeux ? Pourquoi le désert, avec ses silences habités et ses houles d’étoiles, nous parle-t-il au cœur et nous donne la nostalgie de l’immensité ?

Présence. Dieu est présent à sa création. Pourquoi a-t-il créé un monde si beau et nous, vermisseaux magnifiques, pour le regarder ? « Seigneur mon Dieu, tu es immense », écrivait saint Augustin. Immensément proche.